Calendrier de l'Avent 2021 - jour 8

Rédigé par Lou Morens Aucun commentaire
Calendrier de l'Avent 2021 - jour 8 Extrait Meurtre au lycée (spin-off Moïja - inédit - sortie 2022)

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La façade ancienne invitait à entrer et l’intérieur était cosy. Dolorès se sentit apaisée dès qu’elle entra. Ils s’attablèrent et le patron vint aussitôt les saluer.

— Salut Jimmy. Tu ne me présentes pas la jeune personne qui t’accompagne ?

— Voici Dolorès, mon équipière.

— Un beau prénom. Richard pour vous servir. Jimmy, comme d’habitude ?

— Non, mets-nous deux brunes en pression et la carte, s’il te plaît.

— Monsieur est bon prince, aujourd’hui.

— C’est madame qui régale.

— Tu as de la chance. Tu entends ça, Édouard, prends-en de la graine.

— Je lui fais de bons repas tous les jours et il n’est pas encore content ! répondit l’intéressé avec un clin d’œil à Jimmy.

Jimmy souriait. Dolorès l’imita dès qu’elle comprit que les deux hommes jouaient. Ils n’étaient plus tout jeunes et leur attitude la toucha. Elle aimerait être aussi espiègle à leur âge. Édouard apporta aussitôt les bières et salua à son tour les nouveaux venus.

— Au rétablissement de Redouane.

Dolorès approuva et ils trinquèrent. Le silence s’installa pendant qu’ils choisissaient leur repas.

— Un vrai resto végétarien, c’est rare.

— Désolé, je n’avais pas pensé à te le dire.

— C’est très bien, Jimmy. Je suis seulement étonnée. Je ne m’y attendais pas, ici.

— Richard et Édouard sont surprenants à bien des égards.

— Ils sont charmants. Que me conseilles-tu ?

— Les pâtes avec sauce aigre-douce au cynorhodon accompagnées de leur jardinière de légumes de saison sont une pure merveille. Les autres plats sont tout aussi délicieux. Mais comme c’est le plat du jour, c’est le plus simple à choisir.

Dolorès sourit à son compagnon.

— Va pour le plat du jour, dans ce cas.

Les deux agents discutèrent quelques minutes de l’enquête en attendant l’arrivée de leur assiette.

— Pas de boulot, ici. Vous êtes là pour vous détendre, tous les deux. Les horreurs restent au bureau pour ce soir. Profitez du cadre pour vous changer les idées.

Une musique douce sortit des haut-parleurs disséminés partout dans la salle. Tous les clients remercièrent les patrons et retournèrent à leurs discussions.

— Je viendrais plus souvent. C’est vraiment un établissement charmant.

— Je me sens bien, ici. J’aime passer un moment avec eux, ils sont devenus ma famille.

— Tu n’as personne dans les environs ?

— Non, je suis seul en France et je n’ai presque plus personne de l’autre côté de la manche. Et toi, tu as de la famille, par ici ?

— Mes parents habitent dans la creuse et mon frère enseigne dans un établissement spécialisé dans les Deux-Sèvres.

— Spécialisé ?

— C’est un établissement expérimental où ils enseignent avec des méthodes avant-gardistes aux enfants qui ne se retrouvent pas dans le système scolaire classique. Un peu comme ton amie Lily. Ça semble aussi porter ses fruits. Même mes parents qui n’étaient pas d’accord avec lui sont obligés de reconnaître que ses méthodes fonctionnent plutôt bien.

— Que font-ils ?

— Profs en primaire, en retraite à la fin de l’année, tous les deux.

— Et tu es entrée dans la police ?

— Mon frère apporte l’instruction, mes parents aussi, je voulais aider les gens d’une autre manière.

— Et pourquoi les stups ?

— C’est un interrogatoire ?

— Je suis désolé, je voulais seulement mieux te connaître. Ça fait presque an et demi qu’on bosse ensemble et je ne sais que peu de choses sur toi. On passe pas mal de soirées ensemble, on rit, on parle de tout et de rien, mais jamais de toi.

— J’en sais encore moins sur toi ! J’ai choisi les stups, parce qu’un camarade de classe est mort d’une overdose quand j’étais au lycée. Je ne pensais pas que cette saleté existait dans nos campagnes. Il était brillant et incompris. Un type lui a vendu de la cochonnerie en lui promettant que ça changerait sa vie, il a vite été accro. Il est mort deux mois après d’une embolie cérébrale.

Richard apporta un pichet de vin d’Italie pour accompagner le plat.

— De la part de la maison.

— Merci, Richard.

Le vieil homme répondit d’un clin d’œil avant de repartir derrière son comptoir. Jimmy servit les verres et ils trinquèrent de nouveau. Il n’était pas habitué à boire. Ses boissons habituelles se résumaient aux jus de fruits faits maison ou à l’eau. Il devait faire attention à ses paroles et ne pas risquer de dévoiler son passé. Les yeux de Dolorès pétillaient. La manière dont elle le regardait le déstabilisait. Il ne devait pas prendre de risque, mais elle était si belle, son teint mat, ses cheveux noirs bouclés qu’elle avait détachés et qui descendaient en cascade sur ses épaules. Ils mettaient en valeur ses yeux noisette aux reflets verts qu’il avait remarqué la première fois qu’il l’avait vue lorsqu’elle était entrée dans le service. Un lundi matin, le 22 mai 1995, le commissaire leur avait présenté leur nouvelle équipière. Elle portait un jean et un t-shirt beige, une veste en similicuir cachait son holster. Pour la première fois depuis longtemps, il avait senti un petit quelque chose en lui.

— J’ai de la sauce sur la figure ?

— Non, non, pardon. J’étais perdu dans mes pensées.

— Tu occupais les miennes !

Jimmy la dévisagea, il ne s’était pas trompé. Il n’avait pas tout perdu de ce qu’il avait appris dans son ancienne vie.

— Veux-tu un dessert ? Ils font une succulente glace aux baies de sureau.

— Avec plaisir.

Jimmy peinait à rester concentré, il ne devait pas céder. Il s’excusa et se rendit aux toilettes. Édouard remarqua son trouble lorsqu’il passa près de lui. Il le rejoignit discrètement.

— Que se passe-t-il ?

— Édouard, tu m’as fait peur !

— Les toilettes sont de l’autre côté du couloir, j’en déduis donc que tu as besoin d’un peu de calme.

— Je ne sais pas quoi faire.

— Vous êtes mignons tous les deux.

— On bosse ensemble.

— Richard et moi travaillons aussi ensemble. Ça ne nous empêche pas d’être un couple uni et heureux.

— Le commandant ne voudrait pas qu’on en arrive là.

— Si tu me disais plutôt ce qui te retient !

— Elle ne sait pas d’où je viens ni ce que je faisais avant. Elle ne sait pas tout le reste.

— Tu peux lui cacher d’où tu viens et ce que tu faisais, ta couverture est parfaite et tu connais ton métier ! Tu n’as aucune raison de lui dire que tu n’es pas humain ni que tu viens d’une zone protégée. L’alcool t’atteint encore moins qu’elle, c’est seulement tes peurs qui ont un effet sur toi. On ne t’aurait jamais servi un pichet dans le cas contraire ! Vous êtes armés tous les deux, on n’aurait pas pris de risque inconsidéré ! Pour le reste, elle l’acceptera. Elle te dévore des yeux, ne passe pas à côté. Tu sais mieux que personne qu’il faut profiter de chaque instant ! Je n’ai pas connu Hélène, mais je pense qu’elle ne voudrait pas que tu passes le reste de tes jours seul ! Tu as le droit d’aimer à nouveau, tu as le droit de prendre du bon temps, tu as le droit de refaire ta vie !

— Comment pourrais-je lui expliquer si elle me pose des questions sur la prothèse ? Elle n’existe pas dans cette partie du monde. Elle s’en rendra compte.

— Je ne connais personne qui sait à quoi ressemble une telle prothèse ! Ne cherche pas d’excuses ! Et quand bien même, si pour une obscure raison, elle connaissait parfaitement le marché des prothèses érectiles, tu pourras toujours lui dire que c’est un modèle expérimental ! Ce qui de toute façon est la vérité ! Va la rejoindre, profite de la vie, James ! Tu laisseras la moto dans la cour et vous repartirez à pied. Tu la récupéras demain matin.

Jimmy considéra son ami un long moment. Il soutint son regard et Jimmy finit par lui sourire.

— Va la rejoindre ! Profitez de la soirée ! Vos desserts arrivent.

— Merci.

— Tu n’as pas à me remercier, ça sert aussi à ça la famille.

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